Ménages, entreprises, investisseurs : la crise mondiale de l’énergie n’épargne personne. Pour l’heure, le problème se concentre sur les prix de l’électricité en Europe, mais il n’est pas exclusivement européen et risque fort de se propager à d’autres régions du monde.
Une partie des éléments à l’origine de la crise (à commencer par l’explosion de la demande provoquée par la réouverture de l’économie) sont cycliques et finiront par disparaître. De manière générale, la volatilité des prix est cependant un phénomène qui va s’inscrire dans la durée. Conjuguée au durcissement de la réglementation et aux initiatives vertes, cette situation est source d’opportunités dans toute la filière des énergies propres.
Au quatrième trimestre 2021, la conjonction de plusieurs forces s’est traduite par une montée en flèche de la volatilité dans l’ensemble du secteur de l’énergie. En Europe, l’explosion des prix de l’électricité a bouleversé les systèmes énergétiques du continent. Dans le même temps, l’augmentation des prix du gaz, du pétrole et du charbon a jeté de l’huile sur le feu. Plus inquiétant encore, les courbes à terme indiquent que les prix de l’énergie ne sont pas près de reculer.
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Les courbes à terme indiquent que les prix de l’énergie ne sont pas près de reculer.
Une question d’offre… mais pas seulement
De nombreux facteurs expliquent ce phénomène. Si la demande est effectivement plus forte que prévu, il s’agit avant tout d’un problème d’offre. Conséquence du manque de vent et de la faiblesse des précipitations, la production éolienne et hydroélectrique a fortement baissé. En outre, dans un contexte de concurrence internationale et de manœuvres géopolitiques, les importations en provenance des États-Unis et de Russie, deux partenaires commerciaux traditionnels de l’Europe, ont été à la peine.
Entré en vigueur en 2020, le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) a pour conséquence attendue de faire augmenter les prix du carbone, ce qui fait aussi augmenter le coût de production des énergies très polluantes de type charbon et gaz. Le prix des certificats carbone a déjà atteint des niveaux historiques (90 euros le 8 décembre 2021) et, compte tenu de leur raréfaction, des engagements de la COP26 et de l’évolution favorable des prix de l’énergie, il semble voué à progresser. Même si les problèmes d’offre restent le principal facteur, nous pensons que le carbone représente tout de même environ 10 % à 20 % de la récente envolée des prix de l’électricité.
Graphique 1 – Carbone et électricité : la tarification du premier fait grimper le prix de la seconde

Source : Robeco, Bloomberg
Un impact différent d’une entreprise à une autre
En analysant les données de consommation électrique qui figurent dans les rapports de durabilité1 des entreprises, on constate que le coût de l’électricité (sur la base de 50 euros/MWh) représente en moyenne 0,4 % du chiffre d’affaires. D’un point de vue purement théorique, si ce coût double, toutes choses égales par ailleurs, l’impact sur la rentabilité serait d’environ 2,8 % (0,4 % de hausse sur une marge d’EBITDA moyenne de 15 %), les secteurs très consommateurs d’énergie (les matériaux notamment2) étant les plus touchés (impact supérieur à 10 %). L’industrie, la consommation cyclique (qui comprend les constructeurs automobiles) et les technologies de l’information (qui incluent les fabricants de semi-conducteurs) sont moins pénalisées car moins gourmandes en énergie3 (impact de l’ordre de 1 % à 2,5 %).
Pour contrer l’impact négatif de l’augmentation des prix de l’énergie, les entreprises peuvent mettre en place des stratégies de couverture, souscrire des contrats d’approvisionnement à long terme ou prévoir dans leurs conditions commerciales que leurs prix évolueront en fonction des cours des matières premières. La principale ligne de défense reste toutefois la répercussion de la hausse sur le client final, ce qui prend généralement un peu de temps (la durée précise dépendant du contexte opérationnel et de la concurrence).
Les entreprises qui possèdent un fort pouvoir de fixation des prix réussiront à augmenter leurs prix de vente pour compenser l’augmentation des coûts. Pour les autres (celles qui se trouvent sur des marchés très concurrentiels), en revanche, il sera difficile de relever les prix, ce qui pèsera sur les marges.
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Les entreprises qui possèdent un fort pouvoir de fixation des prix réussiront à augmenter leurs prix de vente pour compenser l’augmentation des coûts.
Une bonne nouvelle pour l’énergie intelligente
Les fabricants d’équipements solaires et éoliens ainsi que les fournisseurs de pièces détachées sont un bon exemple de marchés très concurrentiels. La pénurie de matières premières et l’envolée de la demande en acier, aluminium et polysilicium ont fait grimper en flèche les prix des matériaux utilisés dans la fabrication des installations renouvelables, donc le prix des produits finis. En réduisant les stocks et en mettant les marges des fournisseurs sous pression, l’explosion des coûts de transport et l’allongement des délais de livraison ont exacerbé le problème.
Même si des dispositifs publics restent nécessaires pour lisser l’impact sur les composantes vulnérables de la société, nous pensons que l’impact de l’augmentation des prix de l’énergie sera absorbé par le système énergétique, ce qui fera office de piqûre de rappel pour les entreprises, les incitant à se protéger de la volatilité de l’énergie et à accélérer la transition énergétique. Environ un tiers des entreprises du MSCI World publient des données sur leur consommation d’énergie renouvelable ; en moyenne, celle-ci représentait 18 % de l’énergie utilisée en 2020. Les entreprises de services financiers sont les meilleures élèves, avec plus de 60 % d’énergie renouvelable, tandis que l’industrie est loin de la moyenne, avec seulement 11 % de renouvelable dans son mix énergétique.
Par ailleurs, d’autres risques (des coupures de courant ou des ruptures de contrat des fournisseurs) pourraient doper les investissements en stockage de l’énergie (batteries et hydrogène vert par exemple), ce qui permettrait de résoudre les problèmes d’irrégularité de l’approvisionnement et d’avoir une offre toujours égale à la demande. Les entreprises auraient alors encore plus de raisons d’investir dans les énergies propres et les appareils peu gourmands en énergie pour éviter tout risque futur. Des entreprises intègrent d’ores et déjà la production renouvelable au lieu de simplement signer des accords d’achat d’énergie verte à long terme. Les capacités renouvelables progressant, les coûts continueront de baisser et rendront l’énergie verte compétitive par rapport à une énergie classique de plus en plus chère.
Graphique 2 : Le coût de l’électricité : le renouvelable est de plus en plus compétitif

Voir note de bas de page.4
Source : Robeco, Bloomberg
L’augmentation des prix de l’énergie est une excellente nouvelle pour nos stratégies thématiques durables, dont l’ambition est de décarboner l’énergie et les activités manufacturières. Les entreprises dans lesquelles nous investissons ont une démarche unique, portée par la volonté de faire avancer l’efficacité énergétique. Elles devraient donc bénéficier d’une demande importante et afficher de solides taux de croissance à l’avenir.
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Notes de bas de page
1Pour l’exercice 2020, plus de la moitié des 1 555 entreprises qui composent le MSCI World ont publié des données relatives à leur consommation d’énergie.
2Given an average energy intensity of ca 500MWh per million of Euro revenue.
3Sur la base d’une intensité moyenne d’environ 500 MWh par million d’euros de chiffre d’affaires.
4Le graphique illustre l’évolution du coût actualisé (LCOE) moyen de plusieurs sources d’énergie depuis plus de dix ans. Sur cette période, le coût de l’énergie solaire s’est effondré et est désormais inférieur à celui du gaz naturel, la moins chère des énergies fossiles. Le LCOE d’une technologie correspond au rapport entre coût total sur la durée de vie et coût de la production d’énergie sur la durée de vie, tous deux actualisés sur une année donnée avec un taux qui traduit le coût moyen du capital.