11-10-2021 · Vision

Bénéfices : un moteur qui menace de se gripper avec le début du « tapering »

La fin de l’année approchant, une période traditionnellement favorable aux actions s’ouvre pour les investisseurs. Mais cette fois, nous pensons que davantage de prudence s’impose.

    Auteurs

  • Arnout van Rijn - Portfolio Manager

    Arnout van Rijn

    Portfolio Manager

Tout d’abord, nous avons profité d’une fête estivale inattendue, les marchés actions passant généralement par une basse saison durant les mois d’été. Cette fête ayant atteint son apogée le lundi du Labor Day aux États-Unis, nous pensons désormais que les marchés boursiers pourraient ne pas connaître leur vigueur coutumière du quatrième trimestre.

De plus, la Réserve fédérale américaine (Fed) a exprimé son intention de commencer dès novembre à réduire ses 120 milliards de dollars d’achats mensuels d’actifs, probablement à hauteur de 15 milliards de dollars par mois. Par conséquent, bien que les marchés continuent de bénéficier d’un apport généreux de liquidités, l’énorme réservoir des politiques de soutien va inévitablement se tarir. Il est difficile de deviner quelles seront les conséquences pour les investisseurs, mais nous nous attendons à ce que des taux d’intérêt un peu plus élevés aient un effet modérateur sur la tendance actuelle à acheter n’importe quel titre en baisse.

En outre, nous pensons que l’autre moteur qui a propulsé les actions vers des sommets record, à savoir les bénéfices, pourrait bien se gripper au quatrième trimestre. Les pressions inflationnistes sur les prix des intrants entament les marges bénéficiaires des entreprises de produits industriels et de biens de consommation, comme en témoigne l’écart entre les indices des prix à la production (IPP), qui reflètent les prix des intrants, et les indices des prix à la consommation (IPC), qui reflètent les prix des extrants. Le tableau 1 donne les dernières statistiques pour plusieurs pays.

Tableau 1 | Évaluation de l’écart entre IPP et IPC

Tableau 1 | Évaluation de l’écart entre IPP et IPC

Source : Robeco, statistiques du gouvernement, Bloomberg, septembre 2021

Dans le même temps, les fortes révisions à la hausse des bénéfices prévisionnels observées depuis le début de l’année semblent devoir s’estomper progressivement. Certes, la dynamique de révision à la hausse des bénéfices prévisionnels est restée forte dans le monde entier, avec seulement deux révisions à la baisse pour trois révisions à la hausse. Ce sont des chiffres jamais atteints depuis 2004. Néanmoins, nous pensons que cette tendance ne devrait pas se poursuivre, car nous prévoyons un ralentissement de la croissance économique et une augmentation de la pression sur les marges.

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Le débat sur l’inflation fait rage

Le débat sur l’inflation continue de faire rage et toutes sortes d’avis sont émis, depuis les experts qui n’y voient qu’un « phénomène transitoire » jusqu’à ceux pour qui il s’agit d’une « stagflation ». Quelle que soit l’opinion qui prévaut, les investisseurs pourraient bientôt se retrouver coincés entre le marteau et l’enclume. Si l’inflation se résorbait dans les mois à venir, les entreprises en subiraient probablement le contrecoup sur leurs marges. Mais si les pressions inflationnistes persistaient, les investisseurs seraient probablement pénalisés par la hausse des taux, à laquelle les titres « Growth » sont particulièrement vulnérables.

Les titres « Growth » représentent désormais une grande partie des indices pondérés selon la capitalisation boursière et ce niveau de concentration nous inquiète. Les États-Unis génèrent environ 20 % du produit intérieur brut mondial, mais ils constituent 60 % de l’indice MSCI AC World. Sur le marché américain, qui plus est, six grandes valeurs technologiques représentent à elles seules 25 % environ de l’indice S&P 500. Votre portefeuille doit-il être exposé à un tel risque de concentration, d’autant qu’un grand nombre d’investisseurs particuliers, de robo-advisors et même de fonds de pension sont séduits par les ETF bon marché ?

On peut vraiment se demander si ces produits offrent encore une diversification suffisante. Nous sommes heureux de signaler que, chez Robeco, nous gérons toujours des portefeuilles actifs basés sur les fondamentaux !

Quelle que soit l’opinion qui prévaut, les investisseurs pourraient bientôt se retrouver coincés entre le marteau et l’enclume.

Nous gardons un œil sur la Chine

Nous commençons à nous habituer à ce que la Chine, deuxième économie mondiale, fasse les gros titres. Depuis le début de l’année, le marché chinois est faible en raison de la répression réglementaire de grande envergure qu’ont subie certains de ses segments les plus prisés. Le mot d’ordre est désormais la « prospérité commune”, un terme utilisé pour la première fois par Mao Zedong dans les années 1950, qui pourrait avoir une connotation trop « socialiste » pour de nombreux investisseurs « capitalistes ». Internet, les médias et l’immobilier sont tout particulièrement dans le collimateur des régulateurs.

Internet a trop de données et l’immobilier trop de dettes : tous deux sont considérés comme contribuant aux inégalités et représentant un risque pour la stabilité économique. Cela étant, les entreprises privées conservent malgré tout leur droit de réaliser des bénéfices, nous tenons à le souligner. Nous placer sous les bons auspices du gouvernement a toujours été un élément de notre processus d’investissement en Chine. De ce point de vue, la détermination des autorités chinoises à réduire les émissions de carbone du pays est encourageante.

Nous apprécions de voir la Chine échanger ses objectifs de croissance quantitatifs pour des objectifs de croissance qualitatifs, et les secteurs qui peuvent y contribuer restent les grands favoris du marché. Dans l’ensemble, cependant, nous pensons que les multiples de valorisation des actions chinoises risquent de baisser, car des bénéfices trop élevés ne seront pas considérés comme politiquement corrects. Les investisseurs étrangers qui ont continué à accumuler des positions au cours des 12 derniers mois feraient bien de les réduire au quatrième trimestre, car trop de remous politiques n’est pas de bon augure.

L’inflation environnementale pourrait devenir un nouveau phénomène. Les gouvernements démocratiques parviendront-ils à faire accepter cette situation à leurs électeurs ?

La chaleur (hivernale) se fait sentir

Ce trimestre, nous entrerons de nouveau dans la saison hivernale et nous aurons donc besoin de chauffage. Et même si nous faisons tout pour abandonner les combustibles fossiles, le plus rapidement possible de surcroît, nous allons encore brûler beaucoup de pétrole et de gaz. Après avoir fortement augmenté pendant plus de 10 ans, les niveaux de production américains ont chuté de 20 % depuis le début de la pandémie de Covid-19. L’offre étant donc limitée face à une demande repartie à la hausse, les prix du gaz ont grimpé de façon spectaculaire. Les services aux collectivités auront du mal à répercuter cette hausse sur les consommateurs.

Les coupures d’électricité qui se sont récemment multipliées en Chine montrent ce qui peut arriver quand on fixe des objectifs rigides en matière de CO2. De nombreuses provinces ont tout simplement fermé des centrales électriques au charbon pour atteindre les objectifs. Plus généralement, les entreprises des secteurs sensibles sur le plan environnemental subissent des pressions pour limiter leurs investissements, de sorte que l’offre ne suit pas la demande dans de nombreux domaines. C’est notamment le cas pour les fabricants de semi-conducteurs qui font face à des délais considérables avant d’obtenir les autorisations réglementaires pour une nouvelle usine.

L’inflation environnementale pourrait devenir un nouveau phénomène. Les gouvernements démocratiques parviendront-ils à faire accepter cette situation à leurs électeurs ?

En ce qui concerne la pandémie de Covid-19, le marché est passé du mode « confinement » au mode « réouverture », avec des hauts et des bas au gré des variations du nombre de nouveaux cas. Le monde est désormais divisé entre les pays qui tentent d’éradiquer totalement le Covid-19 et ceux qui s’adaptent à la vie avec une maladie endémique. Les premiers sont principalement situés en Asie, en Chine et en Australie, tandis que la plupart d’entre nous vivons dans les seconds, les pays libéraux.

Dans les deux cas, l’évolution des taux de vaccination sera déterminante, même s’il est clair que les personnes vaccinées peuvent contracter la maladie, quoique sous une forme atténuée, et propager le virus. Toutefois, dans le cas spécifique de la Chine, où le taux d’immunité naturelle au virus est très faible, le Covid-19 reste un risque important. Par conséquent, les frontières resteront probablement fermées plus longtemps. Cela étant, l’économie intérieure du pays est suffisamment étoffée maintenant et elle peut se le permettre.

En conclusion, nous adoptons une position plus prudente sur le front macroéconomique et celui des bénéfices. Pour l’heure, ce sont principalement nos perspectives à court terme pour les marchés émergents qui sont concernées, car les données historiques montrent que ces marchés sont plus sensibles au durcissement de la politique monétaire américaine. Cela dit, nous suivrons de près au cours des prochaines semaines les commentaires sur les perspectives de bénéfices des entreprises et le débat actuel sur l’inflation.

Si vos cadeaux peuvent être expédiés à temps, j’espère que vous profiterez d’un Noël paisible pour réfléchir à une autre année remarquable sur les marchés actions.