04-02-2020 · Vision

L’expansion des multiples pourrait remettre à l’honneur l’investissement dit « value »

Les gains enregistrés par les marchés actions en 2019 laissent présager un retour de l’investissement value cette année, estiment les gérants de Boston Partners.

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  • Mark Donovan CFA - Senior Portfolio Manager

    Mark Donovan CFA

    Senior Portfolio Manager

L’expansion des multiples pourrait remettre à l’honneur l’investissement dit « value »

Le style value, qui consiste à investir dans des actions dont le cours ne reflète pas le potentiel d’une entreprise, a été délaissé ces onze dernières années au profit du style growth. Cette préférence pour la « croissance à tout prix » s’est traduite par une nouvelle année record pour les actions mondiales, mais aussi par une nouvelle sous-performance significative des titres value par rapport aux titres growth.

Toutefois, le gain de 31,5 % enregistré par le S&P 500 en 2019 est probablement dû à une expansion des multiples (c’est-à-dire une hausse du PER des actions), davantage liée au sentiment qu’aux fondamentaux. Les derniers rallys provoqués par les multiples remontent à 1991 et 1998, et ils avaient été suivis de plusieurs années de surperformance des titres value.

Sommes-nous à un tournant ?

Si l’on se base sur l’historique, le tournant pourrait être pour bientôt, estime Mark Donovan, gérant du fonds US Large Cap Equities, de style value. Ce fonds cible les entreprises en utilisant la philosophie des « trois cercles » de Boston Partners, qui consiste à rechercher des actions présentant des valorisations attractives, de solides fondamentaux d’entreprise et un momentum commercial en amélioration, ou des catalyseurs d’amélioration.

Mark Donovan indique que l’indice Russell Growth a généré des performances annualisées représentant plus du double de celles du Russell Value sur les trois dernières années, et que l’écart de performance moyen de 10,8 % est à un niveau quasiment inédit.

« Une seule fois nous avons observé un écart plus important entre la performance sur trois ans des titres growth et des titres value », précise-t-il. « C’était au début de l’an 2000 en plein cœur de la bulle Internet, et l’écart était même proche de 20 %, ce qui est bien supérieur à la situation actuelle. »

Vers des extrêmes historiques

Mark Donovan souligne que si la différence était plus importante en 2000, à la fin 1991, nous avions un écart similaire à aujourd’hui (10 %). Donc, nous avons clairement atteint des extrêmes historiques en ce qui concerne le différentiel de performance entre les actions décotées et les actions survalorisées.

On notera le rôle important que la hausse des multiples cours/bénéfices a joué sur le marché récemment. Environ la moitié de la performance totale globale générée par l’indice Russell 1000 Growth ces trois dernières années est due à la hausse des multiples (voir graphique).

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Cette expansion des multiples pour les titres growth a vraiment été la plus importante en 2019, et pourtant la croissance des résultats du S&P 500 sera probablement proche de zéro en 2019. Cela montre bien que 100 % de la performance totale du marché en 2019 est due à l’expansion des multiples.

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L’expérience des années 1990

Mark Donovan explique que les deux dernières fois que l’expansion des multiples a contribué à l’intégralité de la hausse des performances (voire plus), c’était en 1991 et 1998. Ces deux années ont été suivies d’une surperformance des titres value par rapport aux titres growth.

« Tout ceci nous incite naturellement à en déduire que, historiquement, les périodes de fortes performances absolues résultant pour l’essentiel d’une expansion des multiples ont tendance à précéder un point de transition marquant le retour du style value face au style growth. »

Concernant 1991, le cycle value a débuté en 1992 lorsque les titres value ont surperformé d’environ 9 %, avant de vraiment décoller en 1993 (surperformance d’environ +15 %). En 1998, les chiffres sont encore plus éloquents : après une lutte entre les deux styles en 1999, les titres value ont considérablement surperformé trois années de suite (2000, 2001 et 2002).

La courbe des taux américains est un autre signal

Historiquement, l’inversion de la courbe des taux américains est un autre signe de retour en grâce de l’investissement value, c’est-à-dire lorsque les obligations à échéance longue génèrent des rendements plus faibles que celles à échéance plus courte. Ce possible élément déclencheur a été mentionné dans un article de décembre 2019 signé d’un autre gérant de portefeuille chez Boston Partners, Josh Jones, cogérant du fonds Global Premium Equities.

La courbe des taux s’est pour la première fois inversée en mai 2019, et les premiers signes de surperformance de l’indice MSCI World Value par rapport au MSCI World Growth ont été observés quelques mois plus tard (mi-août 2019). Toutefois, les titres growth se sont rapidement repris et ont surperformé les titres value durant pratiquement tout le reste de l’année.

Un signe avant-coureur ?

Avons-nous donc plus de preuves qu’un point d’inflexion est sur le point d’arriver ? « La Fed a baissé ses taux par trois fois en 2019, ce qui a provoqué une pentification de la courbe et redonné le moral aux investisseurs », analyse John Forelli, directeur de la recherche de portefeuille chez Boston Partners.

« Les investisseurs anticipent à présent une amélioration de l’économie. Avec cette perspective plus optimiste, je dirais que nous assistons à un changement subtil dans les facteurs les plus influents.

La faible volatilité et le momentum des prix dominent le marché depuis un moment, mais les facteurs de valorisation classiques tels que les faibles PER ou les rendements des flux de trésorerie disponibles commencent à présent à faire leur retour. Nous n’avons pas encore constaté de renversement entre les indices growth et les indices value, mais nous avons peut-être affaire à un signe avant-coureur pour l’avenir. »