« Si vous pensez que tout cela finira bien, c’est que vous n’avez pas vraiment fait attention », déclare le méchant Ramsey Bolton dans « Game of Thrones ». Mais ces mots auraient très bien pu être prononcés par le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell. Dans nos dernières perspectives trimestrielles, nous demandions des précisions sur l’ampleur des relèvements de taux, nous voilà à présent fixés. Durant la réunion de la Fed de fin septembre, Jerome Powell a définitivement éteint tout espoir d’atterrissage en douceur, précisant tout en euphémisme que cette aspiration serait « très difficile » à atteindre. Or, une récession aux États-Unis et en Europe est quasiment certaine cet hiver.
Pour le moment, les marchés sont en difficulté et en train de s’adapter à un contexte changeant caractérisé par des taux accrus et des liquidités plus faibles. Cela fait 25 ans que l’on n’avait pas vu de chiffres tels que ceux publiés fin septembre. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’inflation aux Pays-Bas approche des 18 % et, durant quelques heures, il a été possible de générer 40 % sur les Gilts britanniques. Aux États-Unis, les remboursements d’intérêts immobiliers pour une famille moyenne ont même atteint des sommets dignes du début des années 1980.
L’augmentation rapide des taux d’intérêt, des prix de l’énergie et du dollar ne constitue généralement pas un bon cocktail pour le cours des actions. Les marchés sont donc en repli depuis mars : l’indice S&P 500 a perdu 25 % à la fin septembre depuis le pic atteint fin 2021, et les crédits investment grade ont reculé d’environ 15 %. Depuis le début de l’année, les marchés des actions et des obligations américaines ont perdu plus de 55 000 milliards de dollars par rapport à leur récent pic. Cet effet de richesse négatif se reflète dans la confiance des ménages. Octobre est souvent un mois durant lequel les marchés baissiers atteignent leur point le plus bas. Pour autant, même si le déclin actuel prend fin, nos perspectives pour les actions mondiales restent prudentes. Associé à la hausse des coûts de financement et des coûts des intrants, le risque de baisse de la consommation exerce des pressions sur la rentabilité des entreprises. La réduction des liquidités sur le marché porte un coup d’arrêt à l’expansion des multiples.
Concernant les marchés émergents pour le trimestre à venir, nous maintenons nos cinq scores factoriels tels qu’ils sont. Il est important de noter que dans de nombreux pays émergents, les banques centrales sont en phase de resserrement monétaire depuis longtemps déjà, alors que la Fed est loin d’avoir terminé ses augmentations de taux, et qu’à Francfort, la BCE vient tout juste de commencer à le faire. Au moins l’inflation s’accompagne de relèvements de taux potentiellement moins nombreux dans les économies émergentes. Les perspectives pour les marchés émergents sont par conséquent meilleures du point de vue de l’inflation et des taux d’intérêt que dans les marchés développés.
Quelle bonne nouvelle pour les investisseurs en actions ?
Nos équipes suivent une approche dont la ligne directrice consiste à se concentrer sur les entreprises solides caractérisées par un bon potentiel de résultats et une forte génération de liquidités, et pouvant être achetées à des valorisations intéressantes. Il ne s’agit pas que d’actions bon marché, mais aussi d’actions en bonne santé qui évolueront bien sur une période allant au-delà d’un seul trimestre isolé. Nous ne faisons aucun pari sur les événements macroéconomiques actuels, mais nous tiendrons compte des conséquences d’un changement de conjoncture dans les perspectives des entreprises en portefeuille. Nous privilégions les sociétés non surendettées qui bénéficient d’un pouvoir de fixation des prix et qui sont actuellement disponibles à des prix bien inférieurs. Ces titres « value » devraient fournir une protection contre l’inflation et ont une chance non négligeable de surperformer dans ce contexte. Nous positionnons nos portefeuilles de façon à refléter le fait que cette inflation supérieure à la moyenne pourrait durer quelque temps. Un secteur particulièrement intéressant est celui de la santé. Compte tenu de ses revenus récurrents, il est largement considéré comme étant plus résistant aux récessions que d’autres secteurs. Nous continuons également de découvrir des entreprises de qualité dans deux secteurs favoris, à savoir les technologies et la finance, où nous sommes bien positionnés. Bien que les marchés actuels soient en difficulté, la période est favorable à la sélection de valeurs.