La saison des AGA, qui se déroule tous les ans entre mars et juin, est une occasion pour les investisseurs de demander des comptes aux dirigeants sur un grand nombre de thèmes – parfois en votant contre la réélection d'administrateurs. À l'ère du changement climatique et alors que le monde n'est pas encore complètement sorti du Covid, les « votes de complaisance » n'ont plus leur place, analyse Michiel van Esch, spécialiste de la gouvernance d'entreprise.
« Ces dernières années, le climat est devenu une priorité des AGA, et cela devrait se poursuivre », précise-t-il. « Ce qui a changé, ce sont les attentes des investisseurs. Il y a plusieurs années, la fixation d'objectifs publics et à long terme de réduction des émissions carbone était considérée comme une victoire par les investisseurs durables ; aujourd'hui c'est devenu un principe de base.
De nos jours, les investisseurs attendent des stratégies de réduction des émissions, y compris des plans suffisamment détaillés pour les faire évoluer à court terme. Ces dernières années, nous avons voté contre la nomination d'administrateurs ou l'approbation des rapports et des comptes dans les entreprises très en retard en matière de réchauffement climatique, par rapport aux indicateurs des initiatives Climate Action 100+ et Transition Pathway Initiative.
Pour 2022, nos attentes sont encore plus grandes et il est probable que nous voterons plus souvent contre l'élection de certains administrateurs (y compris du président du conseil d'administration si nécessaire) dans les entreprises qui restent à la traîne. »
« Say on climate »
Pour la deuxième année consécutive, les entreprises pourront proposer un « say on climate », c'est-à-dire demander à leurs actionnaires de se prononcer sur leurs plans de transition climatique. En 2021, alors que le dispositif n'en était qu'à ses débuts, la plupart de ces propositions ont reçu un soutien appuyé de la part des actionnaires.
« Cette année, nous pensons que les actionnaires auront affiné leur stratégie de "say on climate" et qu'ils adopteront un ton plus ferme à l'égard de ces plans », commente Michiel van Esch. « Par exemple, notre politique de vote repose sur le fait que l'entreprise a fixé ou non des objectifs tels que la neutralité carbone pour toutes les catégories d'émissions qui la concernent.
Pour notre propre "say on climate", les firmes devront avoir défini des objectifs intermédiaires pour toutes leurs catégories d'émissions, à l'aide des lignes directrices et des plans de mise en œuvre élaborés par le Groupe de travail sur l'information financière relative au climat (TCFD), et être alignées sur l'accord de Paris. »
Rémunération des surperformances
L'éternelle question de la rémunération des administrateurs devrait également ressurgir au vu des comparaisons effectuées entre les performances des sociétés durant la pandémie et la rémunération de leurs plus hauts dirigeants. Dans nombre de cas, les deux sont encore très décorrélées.
« Ces deux dernières années, certaines entreprises n'ont pas montré le meilleur côté d'elles-mêmes en matière de rémunération », signale Michiel van Esch. « Nous serons à l'affût des prétextes et des excuses que certaines utilisent pour essayer de justifier des rémunérations élevées alors que les performances sont médiocres.
Il n'est pas rare de voir des comités de rémunération déclarer que lorsque les marchés sont en hausse, l'entreprise a réalisé de bonnes performances, mais que lorsqu'ils baissent, les objectifs doivent être révisés car ce n'est pas la faute de la direction. Les investisseurs devraient être bien plus critiques sur la façon dont les entreprises abordent ce point.
La situation se complique nettement lorsqu'une firme demande à d'autres parties prenantes (investisseurs ou employés) d'assumer les pertes en période difficile, alors que le PDG voit sa rémunération rester au même niveau, voire augmenter grâce aux primes. »
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ESG et rémunération variable
L'utilisation d'indicateurs ESG est cependant la bienvenue, car ce n'était pas le cas il y a quelques années. « Nous nous réjouissons de voir que les indicateurs ESG sont davantage utilisés dans la rémunération, même s'ils restent souvent trop vagues quant à la façon dont les performances sont mesurées, et que parfois, les indicateurs sélectionnés ne sont pas essentiels pour la stratégie ESG de l'entreprise », explique Michiel van Esch
« En matière de rémunération, les indicateurs ESG devraient être utilisés de la même façon que les indicateurs financiers, c'est-à-dire être mesurables, exiger un effort de la part de la direction pour être atteints et être sous-tendus par une stratégie. Tout comme le reste de la rémunération incitative, l'ESG aussi devrait être un critère de rémunération au mérite. »
Le volet social au centre des discussions
Les questions sociales seront également examinées avec plus d'attention lorsque les investisseurs évalueront comment ils ont traversé la période de Covid, en particulier dans les secteurs tels que l'hôtellerie, les voyages et le commerce de détail, qui ont été durement touchés par les confinements de 2021.
« La récente crise sanitaire a mis l'accent sur le S de l'ESG, et ce à juste titre », commente Michiel van Esch. « Les investisseurs ont de plus en plus conscience de l'importance de bien gérer les ressources humaines, en garantissant la diversité et des conditions de travail équitables. Par conséquent, nous continuerons de considérer la diversité comme un thème clé sur lequel nous concentrer. »
Les droits humains aussi seront surveillés de près, en particulier au moment de voter aux AG des entreprises dont les activités ou les chaînes logistiques se situent dans des zones troublées. « Dans les entreprises exposées à des problèmes de droits humains mais dépourvues de système de due diligence en la matière, nous voterons contre la réélection des administrateurs chargés d'assurer cette surveillance », prévient Michiel van Esch.