Après le choc
Alors que les économies occidentales commencent seulement à entrevoir l’ampleur de la crise économique induite par le Covid-19, les marchés veulent anticiper la reprise. Une chose est sûre, nous anticipons une opportunité stratégique de plusieurs années dans le crédit de qualité, quelle que soit la forme de la reprise. Mais en matière de croissance, nous sommes sceptiques quant aux trajectoires proposées.
En Occident, les acteurs du marché se fient souvent à un ensemble préétabli de scénarios de croissance représentés par des lettres de l’alphabet (V, U, W ou L). Non seulement il s’agit de clichés rhétoriques, mais nous pensons qu’il s’agit également de fausses pistes pour la situation actuelle.
Le fait que notre alphabet latin existe depuis l’époque étrusque n’en fait pas le meilleur guide économique. Les lettres V et W, qui évoquent de forts rebonds avant un retour à la normale, semblent se rapporter à une époque révolue (1945-2007), compte tenu des tendances structurelles observées depuis 2008. La trajectoire en U semble ignorer dix années de croissance et de baisse des taux, et le scénario en L davantage correspondre au Japon.
Passons à l’alphabet arabe : une reprise en forme de « Baa »
Le coronavirus soulève de nouvelles questions en matière de marché et d’économie : nous avons les théories et scénarios concurrents des épidémiologistes, la dérivée seconde des nouvelles infections et l’aplatissement des courbes (les courbes de contamination, pas celles des bons du Trésor ou des échéances crédit !).
Selon nous, les trajectoires de croissance pour 2020-21 correspondent davantage à la lettre arabe « Baa », dans sa forme finale (figure 1). Dans cette époque caractérisée par une croissance à long terme plus faible, des taux bas, une population vieillissante et des dettes accrues, les longues courbes horizontales de l’alphabet arabe nous semblent plus appropriées que leurs équivalents occidentaux.
Figure 1 | La lettre arabe « Baa » dans sa forme finale

Source : domaine public, Robeco.
Nous prévoyons donc à compter d’aujourd’hui une trajectoire économique en « Baa ». Il est temps de laisser les V et W aux constructeurs automobiles allemands, les U aux plombiers et les L aux architectes !
Perspectives macroéconomiques
Le consensus prévoit une baisse de -16 % (en glissement trimestriel annualisé) du PIB américain au deuxième trimestre, et de -1,5 % pour 2020. Pour la zone euro, le chiffre est similaire pour le T2 mais il devrait être de -3,5 % pour l’ensemble de l’année 2020 (sur la base d’une sélection de prévisions récentes de courtiers). Nous pensons cependant que la croissance, les résultats et les notes de crédit des entreprises feront encore l’objet de révisions à la baisse. Dans l’ensemble, notre scénario de base prévoit pour les États-Unis et la zone euro des PIB réels au moins aussi bas que ceux enregistrés durant la crise économique de 2009 (respectivement -3 % et -4,5 % environ).
Compte tenu des assouplissements budgétaires massifs, les déficits publics devraient atteindre au moins 8-12 % du PIB. C’est une chose nécessaire à court terme, mais cela augure pour la suite une augmentation des dettes souveraines et des tours de vis budgétaires.
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Allocations dans le secteur obligataire
Les opportunités en matière d’obligataire passent rapidement des valeurs refuges que sont les obligations d’État au crédit.
Nous pensons que les meilleures opportunités consistent à prendre progressivement des positions longues dans les crédits Investment Grade et le High Yield BB. Nous sommes prudents sur les devises fortes et locales dans les marchés émergents, et considérons que les devises émergentes servent surtout à couvrir le risque de ces positions longues en crédit. Compte tenu des potentielles crises à venir, de nombreux pans de l’univers des marchés émergents sont à éviter.
La principale opportunité dans le crédit
Entre le deuxième et le quatrième trimestres 2019, les opportunités dans le crédit ont été très rares. Il est difficile (mais pourtant essentiel) d’être discipliné et patient quand les spreads sont serrés et quand les valorisations et les fondamentaux sont en fin de cycle, quelles que soient les incitations à court terme en faveur du carry. Nous sommes entrés dans la crise du Covid-19 avec une surpondération de l’Investment Grade en euros par rapport à l’Investment Grade en dollars. Les betas se situaient juste au-dessus de 1, et l’exposition au High Yield était nulle. Nous sommes donc bien positionnés pour bénéficier de l’opportunité actuelle.
Quel changement en mars 2020 ! Après le début des années 1980 et l’année 2008, c’est la troisième fois seulement depuis les années 1930 que nous atteignons de tels niveaux de spreads de crédit, selon les données de la Réserve fédérale américaine et de l’ICE BofAML. Les banques centrales sont rapidement intervenues, la Fed ayant repoussé ses limites et repris ses rachats d’obligations d’entreprise, à l’instar de la BCE et de la Banque d’Angleterre.
Qu’avons-nous sur notre liste de courses ?
Sur une base transversale, nous pensons que les crédits Investment Grade (essentiellement primaires) en dollars et à échéance longue constituent la meilleure opportunité. Nous recherchons une qualité de bilan « bottom-up » ainsi qu’une résilience cyclique. Ensuite, nous privilégions les crédits Investment Grade en euros, suivis des titres en euros et en dollars notés BB (hors énergie).
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