29-08-2022 · Vision

Investir durant la déflation, l'inflation et la stagflation

Les rendements réels des actions et des portefeuilles multi-actifs sont généralement faibles quand l'inflation est élevée, en particulier en période de stagflation. En revanche, les rendements factoriels sont relativement insensibles aux cycles inflationnistes ; donc, ils diversifient les rendements des classes d'actifs dans divers contextes d'inflation.

    Auteurs

  • Laurens Swinkels - Head of Quant Strategy

    Laurens Swinkels

    Head of Quant Strategy

  • Pim van Vliet - Head of Conservative Equities and Chief Quant Strategist

    Pim van Vliet

    Head of Conservative Equities and Chief Quant Strategist

Après trois décennies de hausses modérées des prix, l'inflation est de nouveau un sujet de discussion majeur parmi les investisseurs. Une convergence de facteurs, comme la réouverture des économies après les confinements prolongés dus au Covid-19, les blocages de la chaîne d'approvisionnement, la forte hausse des prix des matières premières (en particulier du gaz et du pétrole) et l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a fait grimper l'inflation mondiale bien au-delà de niveaux tenables.

Compte tenu de l'environnement actuel, il nous semble utile d'étudier le comportement caractéristique des primes de risque dans différents contextes d'inflation, comme en période de déflation ou d'inflation élevée. Dans notre étude1, nous avons examiné les performances des classes d'actifs et des facteurs en utilisant un échantillon très large de données remontant jusqu'à 1875, pour représenter de nombreux et divers contextes d'inflation.

Comportement des classes d'actifs dans différents contextes d'inflation

Lors de notre analyse, nous avons constaté que l'inflation variait au fil du temps et était ponctuée de périodes de déflation, d'inflation modérée et d'inflation élevée. D'autre part, nous avons relevé quelques périodes au cours desquelles l'inflation élevée coïncidait avec une récession, ce qui correspond à la stagflation. La Figure 1 représente le cycle inflationniste sur notre période d'étude de 146 ans, et les barres grises correspondent aux récessions.

Figure 1 | Cycles inflationnistes sur une période de 146 ans, de janvier 1875 à décembre 2021

Figure 1 | Cycles inflationnistes sur une période de 146 ans, de janvier 1875 à décembre 2021

Source : Le graphique montre les cycles inflationnistes de janvier 1875 à décembre 2021. Pour l'inflation, nous avons utilisé les données des IPC en glissement annuel concernant la France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, fournies par Datastream et MacroHistory.

Pour évaluer l'impact de l'inflation sur les rendements des actifs et des facteurs, nous avons décidé de distinguer quatre grands types de contexte d'inflation : une déflation (< 0 %), une inflation faible (0-2 %), une inflation légèrement excessive (2-4 %) et une inflation élevée (> 4 %). Le Tableau 1 présente les rendements moyens annuels des classes d'actifs traditionnelles dans les différents contextes d'inflation sur notre période d'étude.

Tableau 1 | Rendements des classes d'actifs dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Tableau 1 | Rendements des classes d'actifs dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Source : Le tableau montre les rendements des classes d'actifs dans divers contextes d'inflation de janvier 1875 à décembre 2021. Pour les actions, nous avons utilisé les données sur les performances provenant de l'indice MSCI World et les performances antérieures des marchés actions mondiaux pondérées par la valorisation. Voir Baltussen, Swinkels et Van Vliet (2022). Pour les obligations, nous avons utilisé les données sur les performances provenant de l'indice Bloomberg Global Treasury et les performances antérieures pondérées par le PIB des marchés obligataires français, allemand, japonais, britannique et américain. Voir Baltussen, Swinkels et Van Vliet (2022). Pour les liquidités, nous avons utilisé les données sur les performances des bons du Trésor américain à échéance courte provenant de la base de données Kenneth French et les données antérieures de Jeremy Siegel. Pour l'inflation, nous avons utilisé les données des IPC en glissement annuel concernant la France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, fournies par Datastream et MacroHistory. Tous les rendements sont exprimés en dollars américains.

Pendant les périodes déflationnistes, les actions ont généré des rendements nominaux nettement inférieurs à leur moyenne sur la période étudiée, mais des rendements réels supérieurs à la moyenne en raison de l'inflation négative. Les liquidités montrent un résultat similaire, avec des rendements réels supérieurs à la moyenne. Durant cette période, les obligations s'en sont bien tirées, en générant des rendements nominaux et réels supérieurs à la moyenne, voire particulièrement soutenus dans le cas des derniers.

Dans les périodes d'inflation élevée, toutes les classes d'actifs ont généré des rendements positifs, mais les actions et les obligations sont restées inférieures à leurs moyennes. Mais plus important, toutes les classes d'actifs ont généré des rendements réels négatifs, car elles n'ont pas réussi à compenser les pressions inflationnistes accrues.

Les scénarios d'inflation faible et d'inflation légèrement excessive représentent un environnement idéal, qui est généralement favorable aux actifs à risque et qui a prédominé pendant plus de la moitié de la période étudiée. Conformément aux prévisions, les actions ont affiché les plus fortes performances durant ces périodes, atteignant des rendements nominaux et réels importants. Dans le même temps, les obligations se sont comportées relativement bien, en générant des rendements nominaux conformes à leur moyenne et de solides rendements réels. En revanche, les rendements nominaux des liquidités étaient inférieurs à la moyenne, mais positifs en termes réels.

Ensuite, nous avons évalué l'impact de ces différents contextes d'inflation sur un portefeuille multi-actifs générique composé de 60 % d'actions et de 40 % d'obligations. Comme le montre la Figure 2, nous avons constaté que les contextes d'inflation faible et d'inflation légèrement excessive (environnement idéal) étaient les plus favorables aux investisseurs multi-actifs, tant en termes de rendements nominaux qu'en termes de rendements réels.

Figure 2 | Rendements nominaux et réels d'un portefeuille multi-actifs générique dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Figure 2 | Rendements nominaux et réels d'un portefeuille multi-actifs générique dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Source : Le graphique montre les rendements nominaux et réels d'un portefeuille multi-actifs dans divers contextes d'inflation de janvier 1875 à décembre 2021. Pour les actions, nous avons utilisé les données sur les performances provenant de l'indice MSCI World et les performances antérieures des marchés actions mondiaux pondérées par la valorisation. Voir Baltussen, Swinkels et Van Vliet (2022). Pour les obligations, nous avons utilisé les données sur les performances provenant de l'indice Bloomberg Global Treasury et les performances antérieures pondérées par le PIB des marchés obligataires français, allemand, japonais, britannique et américain. Voir Baltussen, Swinkels et Van Vliet (2022). Le portefeuille multi-actifs générique comporte 60 % d'actions et 40 % d'obligations, qui font l'objet d'un rééquilibrage mensuel. Pour l'inflation, nous avons utilisé les données des IPC en glissement annuel concernant la France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, fournies par Datastream et MacroHistory. Tous les rendements sont exprimés en dollars américains.

En période de déflation, les rendements nominaux des portefeuilles multi-actifs étaient modérés, mais nettement meilleurs en termes réels. En revanche, ces rendements nominaux étaient solides en période d'inflation élevée, mais ils étaient atténués par les pressions accrues sur les prix, qui ont ainsi conduit à des rendements réels négatifs.

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Impact sur les primes factorielles dans divers contextes d'inflation

Nous avons réalisé le même exercice avec les primes factorielles pour les actions et les obligations d'État. Les résultats sont présentés dans les Figures 3 et 4, où les rendements factoriels correspondent aux écarts de performance entre un portefeuille « long » ayant les expositions factorielles les plus élevées et un portefeuille « court » ayant les expositions factorielles les plus faibles. Il était intéressant de constater que la performance des facteurs ne semble pas dépendre beaucoup du niveau de l'inflation, contrairement à celle des classes d'actifs.

En effet, la Figure 3 montre que le portefeuille d'actions multifactoriel a généré une performance relativement stable dans les quatre contextes. En ce qui concerne les facteurs individuels, la variation des rendements dans l'ensemble des contextes d'inflation était un peu plus importante, sans jamais trop s'écarter des moyennes à long terme.

Figure 3 | Primes factorielles des actions dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Figure 3 | Primes factorielles des actions dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Source : Le tableau montre les rendements factoriels des actions dans divers contextes d'inflation de janvier 1875 à décembre 2021. Pour les facteurs liés aux actions, nous avons utilisé des données provenant de la base de données Kenneth French et du document de travail de Baltussen, Van Vliet et Van Vliet (2022)2, ainsi que la méthodologie de ce dernier. Les rendements factoriels des actions ont été déterminés sur la base des écarts de rendement entre les portefeuilles du premier et du dernier quintile de facteurs, en utilisant des actions américaines. Pour l'inflation, nous avons utilisé les données des IPC en glissement annuel concernant la France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, fournies par Datastream et MacroHistory. Tous les rendements sont exprimés en dollars américains.

La situation était semblable pour les facteurs liés aux obligations, puisqu'ils ont généré des rendements positifs dans les quatre contextes comme le montre la Figure 4, et le portefeuille obligataire multifactoriel a systématiquement généré des bonnes performances dans tous les contextes d'inflation. En ce qui concerne les facteurs individuels, la variation des rendements dans les différents scénarios d'inflation était un peu plus importante, ce qui conduit à un portefeuille obligataire multifactoriel bien diversifié.

Figure 4 | Primes factorielles des obligations dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Figure 4 | Primes factorielles des obligations dans différents contextes d'inflation, de janvier 1875 à décembre 2021

Source : Le tableau montre les rendements factoriels des obligations dans divers contextes d'inflation de janvier 1875 à décembre 2021. Pour les facteurs liés aux obligations, nous avons utilisé des données provenant de Baltussen, Martens et Penninga (2022)3, ainsi que la méthodologie de ce dernier. Les rendements factoriels des obligations ont été déterminés sur la base des écarts de rendement entre les portefeuilles du premier et du dernier quintile de facteurs. Pour l'inflation, nous avons utilisé les données des IPC en glissement annuel concernant la France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, fournies par Datastream et MacroHistory. Tous les rendements sont exprimés en dollars américains.

Les classes d'actifs sont particulièrement à la peine en période de stagflation, mais les facteurs offrent un certain répit

Nous reconnaissons que tous les contextes d'inflation ne se ressemblent pas. Les périodes d'inflation élevée qui coïncident avec une récession se démarquent nettement. Nous avons donc examiné de près l'impact de la stagflation sur les primes de classes d'actifs et les primes factorielles. Nous avons constaté que les rendements nominaux (-7,1 %) et réels (-16,6 %) pour les actions étaient particulièrement faibles durant ces épisodes. Cela suggère que la classe d'actif constitue une couverture insuffisante dans ces situations.

Le résultat s'est avéré légèrement meilleur pour les obligations, car la baisse des taux d'intérêt joue généralement en faveur de la classe d'actifs. Durant ces épisodes de stagflation, les obligations ont généré un rendement nominal de 5,1 %, mais un rendement réel de -4,4 % en raison des niveaux élevés de l'inflation. Globalement, un portefeuille multi-actifs générique tendait à se retrouver en difficulté dans ce scénario, car il générait des rendements nominaux et réels de -2,2 % et -11,7 % respectivement.

La situation était différente dans le cas des primes factorielles. Les portefeuilles obligataires et actions multifactoriels se sont retrouvés en territoire positif avec une performance de 5,4 % et 4,7 % respectivement. De plus, toutes les primes factorielles des actions et des obligations ont généré de bonnes performances en période de stagflation, à l'exception du facteur momentum lié aux obligations qui a subi des pertes lors de ces épisodes. Autrement dit, les facteurs liés aux actions et aux obligations ont aussi été performants systématiquement dans les périodes de stagflation, offrant ainsi une certaine compensation face aux faibles rendements générés par les classes d'actifs durant ces épisodes.

Conclusion

Nos conclusions révèlent que les primes de classes d'actifs varient considérablement dans l'ensemble des contextes d'inflation. Les scénarios de déflation et d'inflation modérée conduisent généralement à des rendements nominaux et réels positifs pour les actions et les obligations, tandis que les rendements réels sont faibles en période d'inflation élevée, en particulier durant les phases de stagflation.

Dans le même temps, les primes factorielles des actions et des obligations sont généralement constantes dans tous les contextes d'inflation, avec des variations de rendement minimes entre les différents contextes. Cela ne semble pas très passionnant, mais nos résultats montrent que les spécialistes de l'investissement factoriel devraient être, en moyenne, moins touchés par l'inflation. Par conséquent, nous pouvons en conclure que les facteurs peuvent contribuer à atténuer l'impact négatif pendant les périodes d'inflation élevée, sans pour autant offrir une couverture parfaite contre l'inflation.

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