L'innovation reste le moteur de la croissance

Bien que l'évolution de la guerre commerciale ait alimenté l'incertitude sur l'ordre économique mondial et ébranlé les marchés, l'aptitude de l'humanité à surmonter les obstacles grâce à l'innovation persiste. Du moulin à grains de l'ère agraire au circuit intégré de l'ère de l'information, l'humanité ne cesse de remodeler le monde qui l'entoure. Comme l'a fait remarquer feu l'économiste Robert Solow : « L'innovation est la force motrice d'une croissance économique soutenue. Sans nouvelles idées, les économies stagnent ». Bien que les facteurs macroéconomiques puissent, à certains moments, accélérer les investissements technologiques et, à d'autres moments, retarder les projets, la direction du voyage est inexorablement vers l'avant.

Les récents développements en matière d'intelligence artificielle (IA), de fusion nucléaire et d'informatique quantique montrent que le rythme de l'innovation s'accélère. En particulier, les investissements et les progrès dans le domaine de l'IA n'ont pas été découragés par les turbulences du marché, les entreprises et les nations s'efforçant d'acquérir une longueur d'avance. Les progrès de l'automatisation et de la robotique joueront également un rôle clé dans les efforts renouvelés de relocalisation de la production. Dans le même temps, les tensions géopolitiques croissantes mettent davantage l'accent sur les systèmes de cybersécurité, alors que les risques pour les infrastructures critiques augmentent.

L'IA révolutionne les industries et redessine l'avenir des technologies. Même si les actions ont faibli jusqu'à présent en 2025, la concurrence mondiale a stimulé des investissements continus dans de nouveaux modèles d'IA, dans les infrastructures numériques et dans de nouvelles applications. Notamment, lors du Forum économique mondial de janvier, Demis Hassabis, PDG de Google DeepMind, a déclaré que l'entreprise était en bonne voie de soumettre des médicaments conçus par l'IA à des essais cliniques en 2025. De manière plus prosaïque, mais tout aussi impactante, les agents d'IA sont sur le point de passer de la simple réponse à des questions à l'action, la technologie cherchant à tenir ses promesses en matière d'amélioration de la productivité.

Alors que les investisseurs craignaient que le rythme des investissements dans les infrastructures d'IA ne ralentisse après la mise en ligne du modèle de DeepSeek en Chine en novembre 2024, l'utilisation accrue des applications d'IA a stimulé les plans de dépenses d'investissement. Morgan Stanley estime que les dépenses d'investissement en cloud computing atteindront 353 milliards de dollars en 2025, soit près de 38 milliards de dollars de plus que son estimation précédente. L'IA a également entraîné une accélération de l'activité de capital-risque, le financement du secteur ayant bondi de 79 % en 2024 pour atteindre plus de 100 milliards de dollars, selon CB Insights.

Si l'IA n'en est qu'à ses débuts, la technologie génère déjà des revenus significatifs. Par exemple, Microsoft a indiqué en janvier de cette année que les revenus annualisés de l'IA avaient augmenté de 175 % en glissement annuel pour atteindre 13 milliards de dollars. Notamment, deux ans seulement après le lancement de ChatGPT, OpenAI a publié des revenus de 3,7 milliards de dollars en 2024, ce qui place la jeune entreprise parmi les 20 premières sociétés de logiciels. L'IA accélère également la croissance des petites entreprises. Selon le processeur de paiements Stripe, en 2024, la durée médiane pour les start-ups d'IA pour atteindre un chiffre d'affaires annualisé de 5 millions de dollars était de 24 mois, contre 37 mois pour les start-ups de logiciels en tant que service (SaaS) en 2018.

Les agents d'IA et les applications technologiques capables d'agir plutôt que de se contenter de répondre à des questions devraient poursuivre cette tendance. Ces agents d'IA s'intègrent aux logiciels existants pour automatiser des tâches qui impliquent souvent la saisie de données ou le processus manuel d'intégration d'informations provenant de plusieurs applications. McKinsey estime que l'IA pourrait permettre d'automatiser jusqu'à 70 % des activités commerciales.

Les goulets d'étranglement dans la production, les pénuries de main-d'œuvre et les considérations de sécurité ont ravivé l'intérêt pour l'automatisation et la relocalisation de la fabrication plus près de chez soi, bien avant que le président américain Donald Trump n'introduise ses droits de douane à l'importation sans précédent. Si la volonté de revigorer l'industrie manufacturière nationale n'est pas nouvelle, le suivi par des dépenses d'investissement significatives a été moins vigoureux jusqu'à récemment. Aux États-Unis, les investissements dans les installations manufacturières ont plus que triplé au cours des quatre dernières années pour atteindre près de 235 milliards de dollars en 2024. Selon l'Institut Peterson pour l'économie internationale, les États-Unis investiront davantage dans les installations de production technologique en 2024 qu'ils ne l'ont fait au cours des 20 années précédentes. Il est important de noter que ces chiffres ne comprennent que les structures et les installations, et non les biens d'équipement utilisés dans la production. Compte tenu du décalage habituel entre la construction et l'équipement des nouveaux sites en machines et en main-d'œuvre, la voie est désormais tracée pour une accélération des dépenses en matière de robotique, d'automatisation et de biens d'équipement. Bien que l'administration Trump ait mis l'accent sur les droits de douane plutôt que sur la politique budgétaire pour stimuler l'industrie manufacturière, de nombreux investissements clés sont déjà bien engagés.

Ces investissements visent non seulement à créer de nouvelles capacités, mais aussi à moderniser le processus de fabrication. En plus d'améliorer les marges grâce à une efficacité accrue, les systèmes d'automatisation industrielle répondent à un problème critique : la pénurie de talents due au vieillissement de la main-d'œuvre. Selon Deloitte et The Manufacturing Institute, 1,9 million d'emplois manufacturiers pourraient ne pas être pourvus au cours des dix prochaines années si les problèmes de talents ne sont pas résolus.¹ En conséquence, la robotique a continué à progresser régulièrement dans les usines. Au cours des cinq dernières années, la base installée de robots industriels dans le monde a progressé à un rythme régulier pour atteindre un taux croissance annuel moyen de 11,3 %.

Les robots ne sont pas seulement de plus en plus nombreux, ils deviennent aussi de plus en plus intelligents grâce à l'IA. Lors d'une présentation en janvier 2025, le PDG de NVIDIA, Jensen Huang, a déclaré que la robotique représentait une « opportunité de plusieurs billions de dollars », alors que l'entreprise annonçait sa plateforme de modèles de base génératifs Cosmos pour ce que l'entreprise appelle l'IA physique. L'IA, associée aux progrès de l'ingénierie mécanique, a également ravivé l'espoir de développer des robots humanoïdes qui pourraient être entraînés à travailler dans de nombreux environnements plutôt que dans des lieux fixes. CB Insights note que l'investissement en capital-risque dans la robotique humanoïde industrielle a triplé en 2024 pour atteindre 1,2 milliard de dollars.

Actuellement, les robots sont contrôlés par l'humain ou fonctionnent selon une programmation prédéfinie. Plus récemment, la robotique autonome et semi-autonome permet des actions dynamiques qui tiennent compte de circonstances et de conditions en temps réel. En apprenant des commandes humaines et en s'appuyant sur des capteurs et des caméras, la production robotisée est appelée à devenir plus efficace et plus souple. Par exemple, le modèle RT-2 de Google DeepMind a été entraîné sur des données spécifiques à la robotique, ainsi que sur des données provenant du web. Ce système permet aux robots équipés de systèmes de vision industrielle d'effectuer des tâches qui n'ont pas été préprogrammées.

Selon le Fonds monétaire international, la digitalisation croissante, la fragmentation des systèmes et la montée des tensions géopolitiques ont plus que doublé le nombre de cyberattaques au cours des quatre dernières années. Il est alarmant de constater que les cyberattaques ciblent de plus en plus les réseaux gouvernementaux et les infrastructures critiques. Bien que la transformation numérique offre un potentiel d'efficacité accrue, les systèmes connectés sont soumis à un environnement de cybermenaces de plus en plus hostile. Si l'IA permet également de mettre en place des systèmes de sécurité plus adaptatifs et plus efficaces, les acteurs malveillants se sont également révélés capables d'intégrer cette technologie. De même, les récentes percées dans le domaine de l'informatique quantique ont suscité des inquiétudes quant à la capacité de cette technologie à briser les algorithmes de cryptographie existants. Les préoccupations en matière de cybersécurité restant une priorité absolue et IDC prévoit que les dépenses mondiales dans ce secteur s'accéléreront légèrement, passant d'une croissance de 13 % en 2024 à 14 % en 2025, pour atteindre 274 milliards de dollars.

Le coût de la complaisance augmente également à mesure que les cyberattaques infligent des dommages mesurables. Selon une analyse d'Allianz, dans les sinistres de cyberassurance dépassant 1 million d'euros, les cas de vol de données sont passés de 40 % en 2019 à plus de 77 % en 2023. Le Forum économique mondial estime que le coût total de la cybercriminalité passera de 6 000 milliards de dollars en 2021 à 10 500 milliards de dollars en 2025.

Les cybermenaces ont également pris de l'importance en matière de sécurité nationale, car des acteurs commandités par l'État semblent être à l'origine d'une myriade d'attaques récentes. Par exemple, selon la Cybersecurity and Infrastructure Security Agency américaine, en décembre 2024, des pirates informatiques chinois commandités par l'État se sont introduits dans le réseau du département du Trésor américain, ont volé des documents et ont même accédé à l'ordinateur de la secrétaire au Trésor Janet Yellen. Selon le Center for Strategic International Studies, des gouvernements du monde entier, dont le Canada, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni, ont signalé l'année dernière des atteintes à la sécurité informatique similaires, commanditées par des États.

Il est inquiétant de constater que les infrastructures critiques ont également fait l'objet d'attaques. Contrairement à la cybercriminalité motivée par le profit ou à l'espionnage visant à soutirer des secrets d'État, les attaques contre les infrastructures risquent de provoquer de graves perturbations. À l'heure où les tensions géopolitiques s'accroissent, les experts mettent en garde contre les cyberattaques visant les infrastructures, qui pourraient non seulement perturber la vie quotidienne, mais aussi la capacité de réaction en cas de conflit militaire. Dans le même ordre d'idées, en janvier 2024, le Federal Bureau of Investigations américain a annoncé que l'agence avait extrait un logiciel malveillant qui, selon les États-Unis, avait été implanté dans les réseaux de communication, de transport et d'énergie.

Note de bas de page

¹ Taking charge: Manufacturers support growth with active workforce strategies, Deloitte, April 2024