22-03-2024 · Vision

PFAS 2.0 – Les nouvelles vagues de réglementation n’auront pas que les produits chimiques dans le collimateur

L’intensification de la réglementation et les actions collectives en justice ouvrent une nouvelle phase, de nouveaux outils et de nouveaux investissements dans la lutte contre les produits chimiques éternels.

    Auteurs

  • Jindapa (Amy) Wanner-Thavornsuk CFA  - Co-Portfolio Manager

    Jindapa (Amy) Wanner-Thavornsuk CFA

    Co-Portfolio Manager

Au cours des deux dernières décennies, l’exposition aux PFAS1 présents dans l’eau potable et les sols contaminés a été associée à de graves problèmes de santé humaine, notamment des malformations congénitales et des cancers. Le renforcement des normes réglementaires et les onéreuses actions collectives en justice intentées ces dernières années encouragent les investissements dans les tests, le traitement et l’élimination des PFAS qui contaminent les sources d’approvisionnement en eau et l’environnement dans son ensemble.

Un problème coûteux

Les PFAS forment une famille de plusieurs milliers de substances chimiques artificielles. Les produits et des procédés contenant des PFAS – poêles antiadhésives, textiles résistants aux taches, mousses extinctrices ou encore émulsifiants chimiques – sont partout autour de nous, dans les petits foyers comme les grandes industries, ce qui leur a valu l’appellation de « produits chimiques omniprésents ». Leurs liaisons carbone-fluor comptent parmi les plus fortes connues en chimie, ce qui les rend difficile leur décomposition dans notre organisme et dans le milieu naturel. Leur nature persistante leur a valu un autre surnom, celui de « produits chimiques éternels ».

En 2023, les principaux producteurs de PFAS ont accepté de verser jusqu’à 13,7 milliards de dollars US pour régler des actions collectives en justice intentées par des centaines de compagnies municipales des eaux liées à la pollution par les PFAS, et d’autres actions en justice sont encore en attente de résolution2. Afin de se conformer aux nouvelles normes, les coûts d’assainissement pour les compagnies des eaux, rien que pour l’eau potable, sont estimés à environ 50 milliards de dollars US au cours des 20 prochaines années3 . La loi bipartisane en faveur des infrastructures du président Joe Biden, promulguée en 2021, prévoit une enveloppe de 10 milliards de dollars US pour aider les compagnies des eaux à détruire les PFAS et d’autres contaminants nocifs dans les sources d’approvisionnement en eau.

Les règlements et les estimations des coûts d’assainissement ne portent jusqu’à présent que sur les compagnies publiques des eaux. Ils ne tiennent pas compte du coût lié à l’assainissement des PFAS qui pénètrent dans les sols et les flux de déchets à partir des décharges et des sites industriels contaminés. Dans un rapport de 2021, le ministère américain de la défense a estimé que 31 milliards de dollars US de fonds fédéraux étaient nécessaires pour décontaminer les sites militaires4.

Les coûts d’assainissement pour les compagnies des eaux, rien que pour l’eau potable, sont estimés à environ 50 milliards de dollars US au cours des 20 prochaines années

Figure 1 – Sites soupçonnés de rejets industriels de PFAS (États-Unis, 2021)

Figure 1 – Sites soupçonnés de rejets industriels de PFAS (États-Unis, 2021)

Source : The Environmental Working Group (ewg), 2021. Emplacement de 41 828 sites industriels et municipaux dont on sait qu’ils produisent, utilisent ou sont soupçonnés d’utiliser ou de produire des PFAS.

Un problème d’envergure

Le problème ne se limite pas au domaine militaire ou aux producteurs de produits chimiques. Des semi-conducteurs à la construction automobile, nombre d’industries utilisent des PFAS dans l’élaboration de leurs produits. Les mesures réglementaires mises en œuvre poussent de nombreuses entreprises à utiliser des substituts qui présentent les mêmes caractéristiques de haute performance. Cette transition peut toutefois s’avérer délicate, car la liste des classes, des mélanges chimiques et des concentrations de PFAS interdits est susceptible de s’allonger à l’avenir. Qui plus est, les entreprises ont du mal à déterminer la mesure dans laquelle les PFAS sont utilisés comme « intrants » dans les processus manufacturiers tout au long de la chaîne d’approvisionnement des produits. Les coûts de détection et d’assainissement (et les poursuites judiciaires) vont sensiblement augmenter selon la portée des restrictions des PFAS décrétées par les instances de réglementation.

Des semi-conducteurs à la construction automobile, nombre d’industries utilisent des PFAS dans l’élaboration de leurs produits

Évolution réglementaire

En décembre 2023, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a publié sa deuxième feuille de route stratégique, qui préconise l’adoption de nouvelles normes pour le traitement et l’élimination des PFAS dans l’environnement. Ces normes s’appliqueront aux entreprises qui produisent des PFAS et aux secteurs qui utilisent des produits contenant des PFAS. Début 2023, l’EPA a proposé de nouvelles restrictions pour six PFAS dans les réseaux publics de distribution d’eau5. Une fois finalisées, ces restrictions devraient stimuler les investissements des compagnies des eaux au niveau fédéral.

L’Europe lutte également contre ce problème. L’UE a fixé de nouvelles limites pour les PFAS, qui entreront en vigueur dans les États membres en 2026. En outre, l’Agence européenne des produits chimiques a publié une proposition visant à interdire tous les produits chimiques ultratoxiques, dont plus de 10 000 composés PFAS.

Figure 2 – Seulement à la pointe de la pyramide

Figure 2 – Seulement à la pointe de la pyramide

Nous nous trouvons seulement à la pointe de la pyramide. La réglementation et les litiges sont amenés à s’intensifier avec l’attention accrue portée aux PFAS. Source : Orientations réglementaires de l’Interstate Technology Regulatory Council (ITRC). Équipe Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, septembre 2023.

Stratégies actuelles de gestion des PFAS

Détection des PFAS – Les laboratoires commerciaux ne peuvent généralement détecter la présence que de 30 à 50 composés PFAS parmi les milliers qui existent. Les tests vont de l’analyse ciblée, qui permet de quantifier la présence de composés PFAS spécifiques et connus, à l’analyse non ciblée, qui permet de déterminer si un échantillon est exempt de PFAS. Ce second type d’analyse permet la mise en place de l’éventail de tests beaucoup plus large nécessaire pour faire face à l’augmentation des composés PFAS réglementés et aux niveaux de concentration plus restrictifs. À l’heure actuelle, la taille du marché des tests est modeste, mais celui-ci devrait connaître une croissance rapide à mesure que de nouvelles réglementations sont adoptées, qui concerneront non seulement les compagnies des eaux, mais aussi toute les entreprises dont le sol, l’air ou l’eau est contaminé.

Séparation des PFAS – Les traitements traditionnels permettant d’éliminer les PFAS de l’eau et des sols contaminés comprennent la filtration sur charbon actif, la résine échangeuse d’anions, la nanofiltration, l’osmose inversée et le fractionnement de la mousse. De nombreux services aux collectivités ont commencé à investir dans la modernisation des infrastructures qui prévoit un traitement plus rigoureux en fonction de l’ampleur et des niveaux de contamination acceptables. Comme pour les tests et les mesures, l’élargissement de la portée de la réglementation signifie que les entreprises en amont qui produisent ou utilisent des PFAS devront très probablement investir dans des technologies de traitement des PFAS pour empêcher la pollution due aux rejets dans les cours d’eau et les décharges.

Destruction des PFAS – Les méthodes de traitement classiques permettent d’éliminer les PFAS de l’eau et des sols, mais elles génèrent toujours des concentrés dangereux. Les PFAS peuvent faire l’objet d’un traitement plus poussé et être détruits, mais les méthodes utilisées diffèrent en termes de coût, d’efficacité et d’évolutivité. Une approche courante consiste à incinérer ou à stocker les déchets contenant des PFAS afin d’éviter toute fuite ultérieure dans le sol et l’eau. Cependant, en plus d’engendrer des sous-produits polluants, l’incinération est un processus onéreux et énergivore. C’est pourquoi les chercheurs multiplient leurs efforts pour trouver des solutions durables en termes de coûts, d’énergie et de déchets environnementaux.

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Une source d’opportunités de croissance

La crainte d’une censure réglementaire, d’amendes, de poursuites judiciaires coûteuses et d’un ternissement de la réputation devrait pousser les entreprises à intensifier leurs activités de détection et d’élimination des sous-produits PFAS au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. Bien que les technologies actuelles de test et de traitement constituent un bon point de départ, l’évolution du paysage réglementaire et la multiplication des poursuites judiciaires joueront également un rôle de catalyseur pour la demande d’innovation au-delà des approches traditionnelles.

La stratégie Sustainable Water Equities investit dans un éventail diversifié de sociétés qui contribuent à la chaîne de valeur de l’assainissement des PFAS. Ces sociétés comprennent les fabricants d’instruments et d’analyses pour les tests et les créateurs de technologies d’élimination des PFAS de l’eau potable, des sols et d’autres solides. La stratégie inclut également les entreprises de gestion des déchets responsables de la destruction et du stockage des PFAS, ainsi que des sociétés de services environnementaux qui contribuent à l’élaboration de solutions d’assainissement rentables.

La stratégie Sustainable Water Equities investit dans un éventail diversifié de sociétés qui contribuent à la chaîne de valeur de l’assainissement des PFAS