C’est ce que l’observe lorsque nous suivons les niveaux d’émissions, et en particulier lorsque l’on essaie de déterminer d’où elles proviennent à l’origine. Il est essentiel de pouvoir identifier les entreprises qui portent la responsabilité des objectifs d’investissement et d’engagement.
Pour avoir une idée plus claire de leur provenance, les émissions sont classées en trois catégories (scopes). La catégorie 1 correspond aux émissions directement produites par les entreprises, la catégorie 2 aux émissions liées à la consommation d’électricité ou de chauffage nécessaire aux activités de production, et la catégorie 3 aux émissions produites par l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris par l’utilisateur final durant tout le cycle de vie d’un produit.
Mais il ne s’agit pas uniquement d’additionner des tonnes de mètres cubes de gaz à effet de serre – en supposant même que l’on puisse accéder à cette information. Par définition, toute donnée acquise est historique, ce qui pose trois grands problèmes.
Les données sont par nature rétrospectives
« L’un des problèmes fondamentaux en matière de données carbone est qu’elles concernent le passé, avec un décalage d’environ deux ans. Si nous examinons aujourd’hui les empreintes carbone, nous nous référons en réalité à l’année 2019 », explique Thijs Markwat, spécialiste des données climatiques chez Robeco.
« Cela signifie que ces données n’indiquent pas si une entreprise est prête pour la transition. Nous avons donc besoin d’indicateurs plus prospectifs. L’empreinte carbone d’aujourd’hui ne dit pas si une entreprise va décarboner demain. »
La rivalité des fournisseurs
Le deuxième problème n’est pas que les données sont insuffisantes, mais qu’elles proviennent de sources multiples et redondantes, souvent contradictoires. « Les données relatives aux émissions de catégorie 1 et 2 sont assez faciles à obtenir, mais concernant leur ampleur, il n’y a quasiment pas de corrélation entre les différents fournisseurs », commente Thijs Markwat. « Le vrai problème est que ces données ne sont pas mesurées mais seulement modélisées, c’est-à-dire estimées. »
En outre, les catégories ne nous disent pas tout. Par exemple, si un constructeur automobile génère relativement peu d’émissions de catégorie 1 et 2 lorsqu’il fabrique une voiture à essence, l’utilisateur, lui, va consommer du carburant pendant des années et produire beaucoup de gaz d’échappement, donc des émissions de catégorie 3.
Les difficultés liées aux données ne doivent cependant pas nous empêcher d’agir. « Le manque de données sert d’excuse à certains pour éviter de prendre le taureau par les cornes », confie Thijs Markwat. « Nous devons faire attention à ne pas considérer ce problème comme un problème de données ; il s’agit davantage d’une difficulté d’analyse liée aux données elles-mêmes. Nous savons quels sont les secteurs très émetteurs, et nous pouvons donc agir dessus. »
Numérateur vs dénominateur
Le troisième problème concerne le choix des indicateurs à utiliser, l’approche actuelle étant largement basée sur la quantité, alors qu’elle devrait également être qualitative. « L’empreinte carbone constitue le numérateur, mais il ne faut pas oublier le dénominateur », avance Thijs Markwat.
« Est-ce que l’on examine l’empreinte carbone d’une entreprise par rapport à son chiffre d’affaires ou à sa valeur d’entreprise ? Ces aspects font une différence colossale lorsque la législation n’exige pas la même chose d’un pays ou d’une région à l’autre. Il est donc nécessaire d’adopter une approche plus ciblée. »