L’investissement momentum est un concept simple, puisqu’il consiste à acheter (surpondérer) des actifs qui ont récemment surperformé leurs pairs et à vendre (sous-pondérer) ceux qui ont sous-performé. Malgré la simplicité relative de cette stratégie d’investissement, le facteur momentum a pu générer une solide performance à long terme sur les marchés actions.
C’est ce que montre la Figure 1, qui présente la performance sur 10 ans de divers facteurs depuis les années 1930. Nous avons constaté que le momentum a généré les performances brutes les plus élevées durant 5 des 9 décennies concernées et qu’il surperforme le marché sur les 9 décennies. De plus, des preuves récentes indiquent que le momentum reste l’un des facteurs les plus performants et qu’il n’a pas fait l’objet d’arbitrages.1
Selon l’école de pensée néoclassique, la prime de momentum est une compensation pour la prise d’un certain risque systématique. Concrètement, le momentum est un facteur qui évolue rapidement, et les valeurs qu’il privilégie peuvent changer sensiblement d’un mois à l’autre. Donc, sur le plan du risque, la prime pourrait découler du changement constant des risques du marché financier ou des revirements des investisseurs concernant le niveau de risque qu’ils sont prêts à supporter. Cependant, les preuves concrètes indiquent que ces éléments évoluent lentement.
Une autre explication basée sur le risque est que la prime de momentum pourrait résulter du fait que les investisseurs attendent une compensation pour le risque d’effondrement potentiel. On sait que les stratégies momentum peuvent subir des effondrements soudains et dévastateurs, comme en 2009. Toutefois, la recherche montre que les stratégies momentum intégrant la gestion du risque, qui ne connaissent pas d’effondrement, peuvent aussi potentiellement offrir des rendements élevés aux investisseurs, ce qui contredit clairement cette théorie.2
Reconnaissant l’absence d’explications adéquates basées sur le risque, même le père de l’hypothèse des marchés efficients, Eugene Fama, a qualifié le momentum de plus grand défi pour sa théorie.
La finance comportementale a pu expliquer plus facilement l’existence du facteur momentum
Alors que les théories néoclassiques basées sur le risque ont échoué, la finance comportementale a pu expliquer plus facilement l’existence du facteur momentum. Contrairement à la finance néoclassique et traditionnelle, où les investisseurs sont considérés comme des agents « rationnels » qui comprennent les risques et les opportunités des marchés financiers, la finance comportementale part de l’hypothèse que les investisseurs ne sont pas complètement rationnels et prennent des décisions basées sur des heuristiques, ce qui donne lieu à des erreurs et, donc, à des « anomalies ».
La confiance excessive des investisseurs dans leur capacité à analyser les valeurs et leur tendance à attribuer les réussites à leurs compétences et les échecs à la malchance peuvent expliquer en partie l’existence du momentum. Par exemple, s’il y a une actualité positive reflétant les opinions d’investisseurs particuliers, ces derniers auront tendance à faire grimper le cours de l’entreprise concernée au-delà de sa valeur fondamentale, c’est-à-dire à extrapoler de façon excessive. Mais la situation finit par se rectifier lorsqu’une nouvelle actualité souligne la réaction excessive des investisseurs, ce qui donne généralement lieu à une correction à long terme du cours de l’action.
Une sous-réaction des investisseurs peut également contribuer à générer une prime de momentum. Cette idée est basée sur le biais de prudence impliquant que les investisseurs tendent à changer lentement dans leurs convictions.3 Dans ce scénario, cette inclination empêcherait le cours de l’action d’une société de s’ajuster correctement dans un premier temps en fonction de l’actualité. Mais cette sous-réaction peut déclencher un momentum, car le cours s’approche lentement de sa valeur (fondamentale) correcte, l’actualité positive étant intégrée progressivement.
La psychologie de la surréaction et de la sous-réaction a été présentée sous forme de concept uniformisé dans un article universitaire de 19994. Les chercheurs ont élaboré un modèle comportant deux types d’investisseurs disposant d’informations différentes : les investisseurs informés qui déterminent la valeur d’une société sur la base de l’actualité fondamentale et les adeptes du momentum qui extrapolent des tendances à partir des évolutions historiques du cours.
S’ils prenaient connaissance de nouvelles positives sur la valeur fondamentale d’une société, les investisseurs informés agiraient d’abord en fonction de ces nouvelles. Les chercheurs ont conclu que cela conduirait à une augmentation insuffisante du cours de la société, car les nouvelles se répandraient lentement dans l’ensemble du marché. Il s’agirait alors d’une sous-réaction. Les adeptes du momentum extrapoleraient alors cette tendance uniquement après avoir constaté la légère hausse initiale du cours, ce qui aboutirait à une surréaction. Comme dans les autres cas de surréaction, il s’ensuivrait une correction à long terme.
Si les anomalies liées au momentum ont généré de solides performances en raison d’erreurs dans le raisonnement humain, il est naturel de se demander pourquoi elles n’ont pas fait l’objet d’arbitrages.
Premièrement, le momentum n’est pas un facteur facile à exploiter. Contrairement au facteur valorisation, par exemple, qui peut être exploité moyennant une rotation modeste de 10-20 % par an, le facteur momentum traditionnel implique généralement une rotation de plusieurs centaines de points de pourcentage par an. Il est évident que pour exploiter efficacement ce facteur en termes de performance nette, il faut appliquer des stratégies de trading intelligentes.
Deuxièmement, bien que la prime de momentum soit attribuée à des biais comportementaux plutôt qu’au risque, l’exploitation du momentum peut réserver quelques déconvenues. Les stratégies momentum se sont avérées sujettes à des effondrements sévères, bien que rares. Par conséquent, les investisseurs misant sur le momentum doivent aussi être capables d’engager leurs capitaux sur le long terme et être prêts à supporter des moments difficiles.
Troisièmement, il n’y a pas de façon correcte de définir le momentum. Même un simple momentum des cours est souvent défini en fonction de différentes périodes antérieures allant de trois à douze mois. De plus, un investisseur peut décider d’exploiter un type de facteur momentum ou de combiner plusieurs facteurs comme le momentum résiduel ou le momentum lié aux révisions d’analystes.
Les humains commettent systématiquement des erreurs, même lorsqu’ils en ont été préalablement avertis
Enfin, la psychologie humaine et notre propension à faire des erreurs cognitives ne devraient pas être sous-estimées. Beaucoup d’études expérimentales dans le domaine financier montrent que les humains commettent systématiquement des erreurs, même lorsqu’ils en ont été préalablement avertis. Il ne faut pas chercher très loin pour trouver des exemples de marchés en proie aux extrapolations excessives, alimentées par l’enthousiasme des humains. Ces schémas apparaissent sans cesse et aboutissent à des tendances prévisibles que seuls des investisseurs systématiques et patients pourraient être en mesure d’exploiter.
Dans le prochain article de cette série, nous aborderons le facteur faible volatilité du point de vue de la finance comportementale.
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